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Les Critiques de Versus

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Blog de critiques de cinéma, de séries et de jeux vidéo


"La planète des singes : suprématie" de Matt Reeves (2017)

Publié par Vivien Soldé sur 26 Août 2017, 16:34pm

Catégories : #Longs-métrages

"La planète des singes : suprématie" de Matt Reeves (2017)
Exode simienne et Apocalypse humaine

La critique contient des spoilers si vous n'avez pas vu le film et comptez garder une part de surprise : revenez plus tard ;)

 

Des habitations en ruines se dressent au cœur de la montagne sylvestre. Tels des cow-boys, quatre singes entrent dans le village en chevauchant tranquillement. Quelle surprise lorsque nos personnages tombent sur une fillette alitée totalement apeurée. Dans sa tentative d’échange, l’enfant poussera de tous petits gémissements. Essaie-t-elle d’imiter les singes ? Non, la réalité est plus dure. Elle est muette ! La communication va cependant s’établir avec Maurice, le sympathique orang-outang. Des gestes tendres, rythmés par une musique douce, vont remplacer la parole. Les regards pleins de compassion trancheront avec la dureté du monde qui les entoure. Transcendant toute les haines, Maurice prendra avec lui la fillette. Elle s’appellera Nova.

 

Dans cet ultime opus de la trilogie traitant de l’avènement de La planète des singes, l’effondrement de l’humanité atteint son seuil critique. Après que la grippe simienne n’ait décimé la grande majorité de la population, une nouvelle maladie touche les hommes, qui semblent peu à peu devenir muet. César, constatant les effets de ce nouveau fléau, n’est obsédé que par une chose : tuer l’homme ayant assassiné sa femme et son fils. Laissant sa tribu sans défense, il poursuivra le colonel McCullough à travers les étendues rocailleuses et enneigées des Rocheuses. Il devra cependant trouver un moyen d’amener les siens vers une autre terre : une terre « promise ».

"La planète des singes : suprématie" de Matt Reeves (2017)

« L’Exode » de ces singes en quête de liberté et de sécurité n’a d’égale que celle du peuple hébraïque. César (alias Moïse) doit mener son peuple vers une terre paradisiaque au-delà du désert (Sinaï). Cependant, il doit faire face au colonel McCullough (Pharaon) qui a réduit en esclavage sa tribu. César en véritable leader provoque des révoltes par sa simple présence et, après avoir défendu un singe torturé, obtient de l’eau et de la nourriture pour ses congénères. Une fois libéré, une avalanche (La mer rouge) s’abat sur l’armée venue pour les exterminer. Puis s’en suit la pérégrination dans le désert et l’accession à la terre promise. César ayant cependant cédé à la tentation de la vengeance, devra en subir les conséquences et mourir en n’ayant pu poser qu’un simple regard sur ce nouveau territoire.

 

La métaphore biblique, bien que légèrement insistante, est appuyée par la mise en scène. Les plans zénithaux lors des batailles notamment (rappelant légèrement le gameplay des jeux de stratégie) rappellent le point de vue omniscient d’un regard divin. Le dernier plan du film se relève vers le ciel, accompagné par les chœurs de la bande originale, et se fige un certain temps nous laissant imaginer la présence bénéfique d’une divinité avant de disparaitre en fondu.

"La planète des singes : suprématie" de Matt Reeves (2017)

Tout ce procédé d’analogie religieuse souligne parfaitement la fin de la génèse du peuple simiesque et le début d’une réelle civilisation. La race humaine est désormais condamnée au silence. Outre l’extinction démographique c’est réellement la capacité à communiquer et à raisonner qui disparaît. L’intelligence s’éteint petit à petit. Les orang-outans, chimpanzés et autres gorilles sont appelés à s’établir et à régner. La terre, dominée pendant des millénaires par l’homme, partagée entre deux races durant plusieurs années, devient désormais la planète des singes.

 

A l’instar de certaine figure de la Bible, les personnages sont écartelés entre la mission qui leur est confiée et leurs désirs personnels. César devant mener son peuple s’égare dans une vengeance obsessionnelle mettant sa tribu en danger. Quant au colonel McCullough, il est déchiré par l’acte qu’il a dû accomplir pour la survie de la race humaine : tuer son fils malade. En choisissant de sauver l’espèce humaine, il a détruit son humanité. Les conséquences des choix de ses deux personnages les hanteront constamment.

"La planète des singes : suprématie" de Matt Reeves (2017)

Les dualités sont parfaitement mises en scène par Matt Reeves qui compose ses plans en fonction des luttes intérieurs des personnages. L’utilisation de l’éclairage à la Apocalypse Now, et de la mousse à raser scindant le visage du colonel entre partie sombre et lumineuse, symbolisent cette schizophrénie du personnage. Concernant César, le dilemme sera matérialisé par deux figures : Nova représentant le bien, l’innocence, la douceur (le côté lumineux) et Koba incarnant le mal, la rancœur et la haine (le côté obscur). Le fait qu’un singe ait été choisi pour symboliser la tentation de la vengeance et une humaine le pardon permet au film d’éviter le gouffre du manichéisme hollywoodien. Si l’humanité s’éteint progressivement à cause de ses propres actions (virus synthétique et guerre) les singes habités par les mêmes démons devront en apprendre les leçons. Ainsi César et McCullough sont les deux faces d’une seule et même pièce, incarnant chacun les vices et les qualités de leur race.

 

Si le film utilise majoritairement deux personnages pour représenter l’entièreté de leur espèce, la même condensation est de mise pour les environnements. La plupart des adaptations cinématographiques de La planète des singes se sont toujours concentrées sur un lieu très localisé sans jamais nous dévoiler les extérieurs. Dans le film original nous ne savions pas si, en dehors du village et de son territoire, il y avait d’autres singes, notamment au-delà de la zone interdite. Ainsi dans cette trilogie nous ne nous concentrons que sur la communauté de César, phénomène très localisé, pour traiter de la disparition de l’humanité à l’échelle de la planète. Ici, pas de montage catastrophe « mondiale » à la Michael Bay ou Roland Emmerich. Les singes, aussi peu soient-ils dans le clan de César, semblent alarmer l’humanité, plus encore que la grippe simiesque. Le colonel McCullough s’inquiète en effet de leur présence. Il lutte contre les singes et souhaite réduire leur puissance qu’il juge supérieur à celle des hommes. En outre, la présence de « méchant singe », personnage peureux mais dévoué, n’étant pas issue de la communauté de César, indique la présence d’autres individus intelligents. Mais nous n’aurons jamais la confirmation qu’il existe d’autres sociétés simiesques. Le hors-champ reste à fantasmer.

"La planète des singes : suprématie" de Matt Reeves (2017)

Dans cette série de films, le renversement planétaire est également signifié par le climat. La saga commençant dans l’atmosphère chaude du Los Angeles actuel, se poursuit dans la moiteur et la fraicheur du second opus, et se conclut ici par un temps rude et glacial. Plus intéressant esthétiquement que narrativement, ces changements de climat instaurent une ambiance et appuient un discours. L’univers chaud est généralement rassurant alors qu’ici l’univers rigoureux annonce la fin d’une ère, mais aussi le commencement d’une nouvelle lorsque l’on redécouvre le soleil, la chaleur et la luxuriance de la terre « promise ».

 

La planète des singes : suprématie conclut parfaitement cette nouvelle saga. Matt Reeves s’écarte de l’œuvre originelle et réadapte les enjeux à la société actuelle. Il joue habilement à nous faire observer notre extinction d’un autre point de vue, celui des singes qui, ni dans la pitié, ni dans la haine nous donne une perspective dénuée de sentimentalisme. Nous sommes déchirés par ces hommes luttant désespérément pour leur propre survie les menant dans des extrémités que nous ne pouvons approuver mais que nous comprenons. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette saga traite plus de l’humanité. Si la fin est heureuse pour les singes et est empreint d’espoir, la musique mélancolique du générique absolument déprimante fait écho à la disparition de la race humaine telle qu’on la connaît et à celle de César.

 

Matt Reeves nous transcrit comment l’humanité en pleine apothéose, défiant Dieu et la nature, se retrouve punie, exterminée et remplacée par une nouvelle espèce. Malgré une idéologie conservatrice et religieuse, La planète des singes est un divertissement intelligent qui ne laisse pas le spectateur impassible, inactif et insensible.

Vivien Soldé

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